Mustafa Raji, infirmier tout terrain

Adaptation, polyvalence et altruisme, telle pourrait être la devise de l’équipe médicale de la délégation française paralympique durant les Jeux de Rio. « Tout le monde a fait preuve d’une grande solidarité », apprécie Frédéric Rusakiewicz, à la tête de la dite équipe et responsable de son organisation au Brésil. « Cela a été un vrai moteur. » Médecins, kinésithérapeutes, infirmiers… Parce qu’ils n’ont pas compté leurs heures et qu’ils ont su sortir de leurs prérogatives premières si besoin, tous ont largement contribué au succès de l’équipe de France.

Nouveau venu dans la commission, Mustafa Raji, infirmier au Centre médical et pédagogique Jacques Arnaud à Bouffémont (95), s’est vite mis au diapason. « J’ai eu des réunions et des échanges quasi quotidiens avant avec les médecins et notamment Frédéric pour mieux cerner le public et les types de handicaps auxquels je serai confronté. Et préparer aussi les onze heures d’avion et les spécificités liées au Brésil. Le climat chaud et humide favorise les plaies, les escarres et les infections urinaires. » Ces rencontres visaient aussi à décrire les lieux, anticiper au mieux les contraintes de déplacements…
Recruté par Frédéric Rusakiewicz « Pour son profil dynamique, enthousiaste, avec une véritable expérience auprès du public paraplégique et tétraplégique au sein d’un service qui prend en charge des blessés médullaires. », cet infirmier de 34 ans n’a pas connu la routine à Rio : « je débutais vers 5 h du matin avec les joueurs de l’équipe de France de rugby fauteuil. Comme tout n’était pas parfaitement adapté et qu’il y avait une douche et un WC pour plusieurs joueurs, je les aidais. Transferts du lit au fauteuil ou du fauteuil à la douche. Mais comme ce sont des sportifs de haut niveau, ils sont très autonomes malgré leur handicap. »
Après ces deux heures de « nursing », les journées de Mustafa défilaient au rythme des pansements « une dizaine par jour en moyenne », mais pas seulement. Loin de là. L’infirmier a aussi joué les coursiers et parfois assuré un rôle logistique. « J’ai parcouru quasiment tout Rio et visité une dizaine de pharmacies pour me procurer un médicament indispensable à un pongiste afin de lui permettre de jouer sereinement sa demi-finale. Et lorsque j’ai enfin trouvé la pharmacie qui possédait le médicament, j’ai dû me faire passer pour un médecin car l’ordonnance que j’avais en ma possession, signée par un médecin fédéral, n’était pas valable. Heureusement que mon accréditation mentionnait staff médical, se souvient-il. Parti du village à 11 h, je ne suis revenu qu’à 21 h. » Qu’importe. L’objectif était de mettre les sportifs dans les meilleures conditions possibles pour leur permettre de briller.

Le soin par l’écoute

 

Frédéric Rusakiewicz aime à rappeler : « Le profil de l’infirmier paralympique correspond à celui d’un infirmier de rééducation : capable de faire des pansements, de prendre en charge des troubles vésico-sphinctériens, être disponible pour les transferts des plus dépendants, faire du nursing…. » Un profil à la fois qualifié et polyvalent. Dotée de matériel de pointe en matière de prévention, de soin et de récupération, la délégation tricolore a pu compter sur un personnel totalement dévoué pour l’aider à conquérir des titres. Mais c’est aussi passé par beaucoup d’écoute. « Certains sportifs ne venaient pas pour des soins médicaux mais davantage pour parler. Évacuer une part de stress ou d’angoisse, raconte Mustafa Raji. J’ai tissé des liens très forts avec certains.» Ces instants l’ont aidé à trouver les ressources pour fournir toujours plus d’efforts. « La cérémonie d’ouverture et l’entrée dans le Maracana bondé, en chantant La Marseillaise avec toute la délégation, apporte une énergie folle. » // J. Soyer