De mon club à Rio, parcours de champions

Avant de toucher le graal d’une sélection pour des Jeux Paralympiques, il faut des années d’entraînement, d’abnégation et de motivation sportive, tout en poursuivant des études ou en travaillant. Parfois aussi, il faut rencontrer la bonne personne au bon moment pour avancer. Quatre champions présents aux Jeux Paralympiques de Rio nous racontent le parcours qui les a menés à la cité Carioca. Dossier réalisé par Renaud Goude

Nantenin KEITA

Athlète, 31 ans, mal voyante
Profession : assistante rh chez malakoff médéric
Club : RCF issy avia
Jeux paralympiques 2016 : championne paralympique du 400m T13

« Ma première compétition handisport, ça devait être en 1997 lors d’un rassemblement organisé à Vittel. J’étais dans un collège pour déficients visuels et notre professeur d’EPS avait emmené toute la classe, je n’avais même pas compris que c’était du Handisport ! Moi j’étais contente car je partais deux jours avec mes camarades. Il y avait un lancer de poids, un saut en longueur et un 60 m, j’ai fini deuxième mais je me suis surtout bien amusée ». Voilà les débuts joyeux d’une athlète qui a parcouru le monde depuis et collectionné les médailles et titres lors des différentes compétitions internationales auxquelles elle a participé. D’un professeur d’EPS bien inspiré au dernier titre obtenu à Rio, 19 ans se sont ainsi écoulés avec nombre de rencontres qui ont fait aussi la carrière de Nantenin Keita. « Rapidement repérée à la fin des années 90 par Patrice Gergès, directeur sportif de l’athlétisme handisport à l’époque, et Olivier Deniaud, entraîneur national, j’ai vraiment intégré le milieu du handisport lors de ma sélection pour les Championnats du Monde organisés à Villeneuve d’Ascq en 2002. J’ai toujours aimé le sport mais à l’époque j’appréciais énormément le côté sympa des voyages et surtout me retrouver avec mes copines ». C’est en 2004 à l’Entente Saint-Quentin-en-Yvelines (EASY), avec Philippe Lefebvre, qu’elle commence à s’entraîner sérieusement, deux à trois fois par semaine. Avec, en plus, des stages nationaux toutes les six semaines de 2006 à 2008, Nantenin Keita peut ainsi se bâtir un palmarès exceptionnel. « Le Handisport m’a permis de m’amuser et j’ai eu la chance que l’on ait cru en moi. J’ai rencontré les bonnes personnes aux bons moments, mais attention, tout n’a pas été simple, mon parcours n’a pas été une ligne droite entre les blessures, les études, le travail. Je pense qu’aujourd’hui il y aurait moins d’obstacles pour un jeune, la création des Pôles va dans ce sens et c’est très bien ». Ennuyée par les blessures depuis 2012, l’accompagnement du Parcours d’Excellence Sportive, mené par la Fédération Française Handisport, va lui permettre de relancer sa carrière d’athlète en s’entraînant à l’INSEP et à Ivry-sur-Seine, sous l’oeil de Marc Vecchio « J’ai passé de superbes moments ave Philippe Lefebvre mais j’avais envie d’autres choses, de découvrir une autre vision de l’entraînement ». On connait la suite et ce tour de piste doré à Rio qui, 19 ans après un week-end d’initiation à Vittel, s’est conclu également par un grand sourire venant illuminer le visage de Nantenin Keita.

Yannick IFÉBÉ

Escrimeur, 24 ans, paraplégique
Profession : employé au ministère de la défense
Club : csini saint-jean de dieu
Jeux paralympiques 2016 : champion paralympique par équipe à l’épée, classe B

« Tu es fait pour l’escrime avec tes réflexes et ta vitesse ! » Une phrase de son premier entraîneur, Yves Charrette, toujours dans l’esprit de Yannick Ifébé qui a découvert l’escrime à l’âge de six ans, mais qui ne l’a vraiment pratiqué assidûment que depuis 2013. Suite à une erreur médicale à ses trois mois, le Parisien se retrouve en fauteuil et intègre le Centre Saint-Jean de Dieu dans le 15e arrondissement. Réputé pour sa scolarité et son offre de pratique de nombreux sports, notamment au Cercle Sportif de l’Institution Nationale des Invalides, club à l’origine réservé aux militaires mais rapidement ouverts aux civils et qui propose des activités sportives pour les personnes handicapées physiques. Le garçon est donc doué pour l’escrime et ça lui plaît. « J’ai toujours aimé ce sport et je n’ai jamais cessé de le pratiquer mais c’est vrai qu’avec un entraînement par semaine, c’était difficile de vraiment progresser ». Surtout que le jeune homme est plutôt brillant dans les études et qu’il intègre l’Université Paris V en 2010, où il prépare actuellement un Masters II en droit. Une carrière d’escrimeur semble donc une idée bien lointaine. Pourtant, une sélection en équipe de France en 2013 pour les Championnats d’Europe va créer le déclic. « J’avais déjà fait une ou deux manches de Coupe du monde quand j’étais encore lycéen, c’était sympa mais je considérais cela un peu comme des vacances et puis je donnais la priorité aux études. C’est alors que la FFH a décidé d’emmener des jeunes aux Europe il y a trois ans. J’ai terminé 5e et là j’ai décidé de ne plus quitter l’équipe de France ». D’une seule séance, Yannick Ifébé passe à quatre séances d’entraînements par semaine, toujours au CSINI mais également au club valide de Clichy, sous le regard de Jean-Yves Huet et avec Pascal Godet, également directeur sportif de l’escrime handisport, comme entraîneur principal. « Tirer avec des valides, ça m’apporte énormément. Ils sont également dans un fauteuil mais ont plus de gestuelle et d’angle que moi, ce qui m’oblige à m’adapter à un combat plus vif ». Depuis trois ans, il n’a plus quitté les rangs de l’équipe de France avec un titre mondial à l’épée par équipe en 2015, une 4e place en individuel aux jeux de Rio plus un fameux titre par équipe deux jours plus tard, devant une délégation tricolore en délire. « Tout s’est passé vite depuis trois ans. Au Brésil, ma famille était là et je n’avais pas envie d’être ridicule. Maintenant tout cela c’est un travail d’équipe, il faut rencontrer les bonnes personnes, que les entraîneurs aient une immense volonté et il faut également des aides car l’escrime est un sport onéreux ». Le talent, la motivation, l’entourage, trois mots qui définissent bien Yannick Ifébé dont le regard est d’ores et déjà tourné vers Tokyo 2020.

Dispositifs gagnants

La Fédération Française Handisport a mis en place depuis début 2014 un Parcours d’Excellence Sportive, structuré en dix points, permettant un meilleur accompagnement du sportif de haut-niveau, avec l’objectif d’optimiser les performances de chacun de Rio 2016 jusqu’aux jeux de 2024. Deux Pôles France, (voile et équitation), ainsi que trois Pôles France jeunes (athlétisme, basket, natation) et trois Académies Handisport (athlétisme fauteuil, cyclisme, ski nordique) viennent compléter le dispositif du PES. Une collaboration régulière avec le sport scolaire, des journées d’initiation dans les départements et régions, l’organisation de Stages Jeunes à potentiel dans les régions, des Jeux de l’Avenir et du Grand Prix des Jeunes à l’échelle nationale permettent également de détecter et de suivre les champion(ne)s de demain. Enfin, plus de 1400 clubs répartis sur l’ensemble du territoire sont les relais incontournables des valeurs de la FFH qui se résument en trois mots : singularité, autonomie, accomplissement.

Grace WEMBOLUA

Basketteuse, 20 ans, amputée membres inférieurs
Profession : étudiante
Club : le cannet
Jeux paralympiques 2016 : quart de finale avec l’équipe de france

C’est l’histoire d’une jeune femme qui doit se faire sa place dans un monde d’hommes et qui s’en sort plutôt bien. Depuis quatre ans en effet, Grace Wembolua est, soit l’unique fille dans les équipes de basket qu’elle intègre, soit elle forme un duo minoritaire avec une autre coéquipière. Ainsi, intégrée en 2012 au Pôle France jeunes Handisport de Talence, elle fait face, à ses débuts, à onze gaillards tout aussi prometteurs qu’elle dans le maniement du ballon orange. Et depuis cette année, elle fait partie de l’équipe des Hornets du Cannet, en 1re division, composée seulement de deux joueuses sur l’ensemble de l’effectif. « Cela n’a jamais été un souci car tout s’est toujours bien passé. Après, sur le plan du jeu, c’est très formateur, personne ne se fait de cadeaux et il faut se faire respecter dans le jeu pour progresser ». Amputée à l’âge de cinq ans, elle découvre le handisport au centre de rééducation EREA Toulouse-Lautrec à Vaucresson en région parisienne. Athlétisme, natation, elle n’arrête pas mais trouve que les sports individuels ce n’est pas pour elle. Place alors au basket fauteuil avec la trajectoire que l’on connaît. « J’en avais un peu assez de courir et nager toute seule, les sports co’ c’est plus mon truc. J’ai intégré assez vite le Pôle France où j’ai tout de suite été super bien. J’ai vécu les choses au jour le jour avec humilité, on m’a appris à prendre du plaisir, à faire les choses étape par étape ». Sous le regard de son entraîneur Stéphane Binot, « il est cool », Grace Wembolua va affronter en parallèle cursus scolaire intense, entraînements quotidiens, blessures graves (quadruple fracture de l’humérus en 2013) et satisfactions, sans jamais se laisser aller par un manque de motivation, en se donnant toujours à fond. Au vu de son année 2016, il faut croire qu’elle a plutôt réussi. « J’avoue que je ne réalise pas encore. À Rio, j’ai eu un peu de temps de jeu avec l’équipe de France et j’ai vu que j’avais encore beaucoup à apprendre. On relativise les choses. En même temps j’aspire à encore plus, ma présence au club du Cannet va me faire encore progresser physiquement et techniquement ». Le tête froide et bien faite, Grace Wembolua ne se met pas de pression mais ne veut pas connaître la frustration. Les années qui viennent devraient la combler.

Thomas BOUVAIS

Pongiste, 25 ans, sportif de petite taille
Profession : attaché de direction
Club : csm eaubonne
Jeux paralympiques 2016 : huitièmes de finale en individuel

Il le dit sans détour, son élimination prématurée au Brésil a été une grosse déception. Le rêve de médaille s’est envolé trop tôt. Déjà tournée vers les Jeux de Tokyo en 2020, Thomas Bouvais est un passionné de la petite balle qu’il a vraiment découverte à l’âge de quinze ans, avant d’intégrer l’équipe de France quatre ans plus tard. « J’aime bien tous les sports alors j’ai un peu tout pratiqué dans ma jeunesse. Je faisais partie de l’association France Nano Sport depuis mes six ans, et en 2004 nous avons participé aux Jeux de l’Avenir, c’est ainsi que j’ai découvert le milieu du handisport et que j’ai été repéré ». Véritable fête de la jeunesse handisport, ces Jeux Nationaux de l’Avenir (organisés en alternance avec le Grand Prix National des Jeunes), sont un vivier formidable pour la détection de jeunes talents, dont fait partie Thomas. Le Val d’Oisien, qui a commencé sa carrière de pongiste à Saint-Brice-sous-Forêt, poursuit maintenant à Eaubonne sous la direction de Vincent Aumoitte. Il s’est construit un joli palmarès, avec notamment une médaille d’argent par équipe aux Championnats du Monde de 2010 et le bronze en 2011. Tout en poursuivant des études d’aide à la personne, il s’est toujours entraîné deux à trois heures par jour, tous les jours avec des valides. « Nous sommes très peu de nains dans le handisport et encore moins en tennis de table, c’est un peu dommage. Certains sports ont des classifications spécifiques et attirent les nains désireux à pratiquer à armes égales. Il y aussi une certaine fragilité physique liée à nos muscles plus petits et plus fins, qui causent plus de blessures, cela peut décourager. Moi, je fais un peu mon truc dans mon coin, j’ai toujours voulu jouer contre des valides, je n’aime pas trop la catégorisation ». Sur les 200 000 licenciés que compte la Fédération Française de Tennis de table, Thomas Bouvais se situe à la 800e place au classement national. Doté de moins de puissance, de gestes forcément plus courts, il profite d’une vitesse de déplacement plus grande et d’une tonicité lui permettant de contre-attaquer sèchement, mettant ainsi en difficulté ses adversaires valides. Bénéficiaire d’une bourse “La Française des Jeux” en 2015, son nom ayant été proposé par la FFH, « ça m’a fait plaisir », il fait partie de ces sportifs sur lesquels la fédération peut compter encore quelques années avec sa science et sa passion pour le jeu toujours sans faille.