Indispensables bénévoles


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Aéroport Roissy Charles de Gaulle, 20 sept. 2016 : mission fret accomplie au retour de l’équipe de France paralympique des Jeux de Rio.

Ils sont présidents de comité, de club, cuisiniers, chauffeurs, assistants, guides ou entraîneurs… Les bénévoles apportent leur expertise, leurs bras ou leurs jambes, leur sens de l’organisation. Leur altruisme et leur passion avant tout. Ils garantissent l’âme, la convivialité et la pérennisation des instances et des structures dans lesquelles ils oeuvrent. S’ils restent souvent dans l’ombre, chacun d’entre eux contribue, à son niveau, au bon fonctionnement des manifestations, des animations et des compétitions. Ils dynamisent le mouvement handisport. Coup de projecteur sur cette famille en quête permanente de renforts. Dossier réalisé par J. SOYER

Tout ce qui est rare est précieux. Cette maxime s’applique aux bénévoles, qui donnent de leur temps sans rien attendre en retour.
« Un bénévole ne compte pas ses heures. Altruiste, curieux, il s’épanouit en aidant son prochain », définit Marc PILLOT, président du Club des Volontaires du Sport (CVS). Il préside cette association abritée par la Maison du sport français à Paris et créée en 1998 sous l’impulsion de Nelson PAILLOU, président du Comité National Olympique et Sportif Français entre 1982 et 1993.
Le but de ce club : mettre en contact des organisations sportives valide ou handisport et des bénévoles. Il collabore avec la Fédération Française Handisport depuis 1996 et les Jeux Paralympiques d’Atlanta. « Je me souviens bien de cette première. Nous étions à la Fédération à Paris pour emmener les sportifs de la délégation à l’aéroport. Je ne connaissais pas ce milieu, alors croiser des personnes sans bras ou sans jambe m’avait marqué. Mais ils nous mettent tellement vite à l’aise et facilitent tellement l’échange que nous avons très vite oublié le handicap », partage-t-il.
Aujourd’hui, Handisport figure en tête des priorités de l’association parisienne. « Les organisateurs FFH ou estampillés FFH sont toujours reconnaissants. Ils n’oublient jamais de valoriser et remercier nos adhérents », justifie Marc Pillot. « On n’attend rien de particulier, si ce n’est du respect. »

Une érosion marquée depuis 2005

L’Euro d’haltérophilie, le meeting HOP à Paris où une soixantaine de bénévoles du CVS intervient sur l’ensemble des postes que regroupe de telles organisations, figure au tableau de chasse de l’association. « Il y a des chauffeurs, des personnes au service presse, des placiers dans les gradins… », énumère, sans être exhaustif, Marc PILLOT. Jean-Loup FORAT, également membre du CVS, est un fidèle de l’open international de tennis en fauteuil parisien. « Ces événements annuels permettent de revoir des personnes, de tisser des liens au fil des éditions. Certains enchaînent les tournois pendant plusieurs semaines d’affilées et nous laissent parfois des lots qu’ils ne peuvent pas ramener avec eux ». Volontaire, c’est aussi pour lui la possibilité de vivre des temps privilégiés avec des stars. « J’ai véhiculé Usain Bolt toute une journée », se souvient Marc PILLOT. Néanmoins, séduire de nouveaux bénévoles est de plus en plus difficile. « Depuis 2005, on constate un vieillissement et une érosion sévère », assure Marc PILLOT, 64 ans. « Il y a davantage d’individualisme dans la société et les rythmes de vie des actifs ont changé. Le volontaire vient picorer ce qu’il l’intéresse mais ne s’investit pas sur les autres animations du club ou de l’association. On a perdu de la convivialité. C’est gênant parce que c’est ce qui fédère et permet le renouvellement. » Le mouvement handisport n’échappe pas à cette réalité. Mais il n’en souffre pas plus que d’autres milieux. « La médiatisation des Jeux Paralympiques a permis de changer le regard du grand public », affirment Nicolas GENDREAU et Yannick GERAUD, respectivement salariés des comités départementaux en Savoie et dans la Vienne. « Après Londres 2012 et Sotchi 2014, on a vu arriver de nouveaux bénévoles conquis par ce qu’ils ont vu dans les médias. » Les profils sont nombreux et différents, on retrouve pas mal de retraités dans les bureaux des instances (clubs, sections handisport, comités territoriaux). Ou encore sur des organisations d’événements à l’accueil, la restauration, le transport… « Ils ont du temps et veulent parfois rompre leur isolement », explique le président du CVS. « Il est difficile de trouver des candidats pour les fonctions administratives parce que c’est plus abstrait », glisse Nicolas GENDREAU.

"Les événements permettent de revoir des personnes, de tisser des liens au fil des éditions."

Jamais à contrecoeur

Certains volontaires, après avoir suivi une formation et/ou par expérience, participent aux animations, notamment pour les clubs ou les comités proposant des sports de plein air comme le ski, le fauteuil tout terrain et la randonnée. « Là, on est souvent sur du un pour un ou même du deux pour un. » La clé de la réussite du projet des deux personnes passe par un apprentissage. « Si elles peuvent refroidir certaines ardeurs, ces formations permettent de trouver des bénévoles désireux de s’engager sur la durée », apprécie Nicolas GENDREAU.
Mais il ne faut pas imposer un public ou une mission à un bénévole qui propose son aide. Si les choses se font à contrecoeur, ça ne fonctionne pas. « L’important, dans les sports nature, est que l’accompagnant ou le guide pour les déficients visuels, pratique en toute autonomie et avec aisance », précise Nicolas GENDREAU. « Parfois, après une journée, on mesure qu’un bénévole répondra mieux à des sports proposés dans des clubs donc on les réoriente. » L’expertise handisport permet souvent d’apporter une réponse adaptée et précise aux deux parties. De nombreux bénévoles permettent aussi l’accès à la pratique sportive aux déficients visuels (torball, cécifoot…) ou aux personnes en situation de grand handicap (randonnée, boccia, rugby fauteuil…). Certains guident, d’autres accompagnent, certains font les deux… Beaucoup de jeunes embrassant ce type de bénévolat sont issus des filières Staps APA ou des centres de rééducation. C’est le cas de Thomas WALGRAEF, devenu assistant de Samir, un international de boccia, pendant un stage en centre. « On est attentif au fait qu’ils aient une connaissance du grand handicap, pose Sophie TERNEL, la DS de la boccia. Nous devons davantage nous tourner vers les retraités des établissements et les bénévoles afin d’encadrer des créneaux et de soulager la charge salariale imposée par la pratique aux directeurs de centres ». De manière générale, le bénévolat est un bon moyen pour les jeunes adultes d’acquérir une expérience dans la vie active à faire-valoir sur le CV. Et une occasion de développer son réseau.
Vieillissement, mobilité accrue des jeunes, augmentation des tâches administratives… Le renouvellement de bénévoles se fait assez difficilement. Pour y parvenir, la FFH a recours à des associations comme le CVS ou France Bénévolat… Il existe aussi des mécénats d’entreprise : d’importantes sociétés libèrent des collaborateurs afin de les mettre à disposition du monde associatif. Il y a bien entendu les réseaux sociaux, le bouche-à-oreille et les circuits internes. La FFH a lancé la page « Handisport Family » sur son site. Elle permet aux futurs bénévoles soit de répondre à des missions à pourvoir précises, à moyens ou long terme, soit de remplir de manière spontanée un formulaire renseignant ses aptitudes, ses intérêts et ses motivations. Un support simple et efficace pour entrer dans le mouvement. Localement, les méthodes sont similaires. « On parle de nous sur des salons promotionnels, on se fait connaître par nos animations et en participant à des manifestations ouvertes à tous », développe Nicolas GENDREAU. Les anciens sportifs doivent aussi avoir envie de s’investir.

Utiles et bien occupés

Le dynamisme est également un vecteur non négligeable. « Il ne faut pas attendre d’avoir des bénévoles pour se lancer dans des organisations », assure Marc FOUARD, président du CDH de la Drôme, hôte des derniers Jeux Nationaux de l’Avenir Handisport. Il y a dix ans, ce comité a mis sur pieds les Jeux Neige et Montagne dans le Vercors. « Ce fut la première manifestation d’envergure », rappelle Marc FOUARD. « Il faisait froid, très froid, beaucoup de bénévoles ne connaissaient pas le handisport mais dès la fin, nombre d’entre eux nous sollicitaient déjà pour d’autres rendez-vous tant ils avaient pris du plaisir, s’étaient sentis utiles et avaient développé de la solidarité mutuelle ». Une grande partie, découvrant le mouvement à cette époque, était encore là, début juin pour les JNAH. Cela s’est souvent vérifié. « Beaucoup de bénévoles se réalisent socialement parce qu’ils apportent à autrui, décrypte Marc Fouard. On n’entre pas dans ce monde-là sans que ça impacte sa vie sociétale. » En revanche, on peut en sortir si l’on ne s’y retrouve pas. « Les bénévoles doivent être bien occupés, s’épanouir dans un rôle bien défini et partager de bons moments. Vivre des instants uniques et inoubliables. » Marc PILLOT, lui, se souviendra toute sa vie de ce jour de Coupe du Monde 98 où il s’est retrouvé fortuitement nez à nez avec ses idoles, Michel PLATINI et PELE.


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Accueil et convivialité sur le stand ravitaillement du Ré Tour 2019

En régions

Un nouveau départ pour la vienne

Le rebond est spectaculaire. En début d’année, le Comité Départemental Handisport de la Vienne a failli fermer ses portes. Yannick HERAUD, salariée de l’instance depuis 12 ans, animait une école de sport de 26 jeunes. « Lors de l’assemblée générale, en février, je me suis retrouvée seule avec la secrétaire, dernière rescapée du bureau directeur  », raconte-telle. Guidée et épaulée par la FFH et son comité régional handisport, elle alerte les clubs affiliés et les familles des enfants concernés. 
« La responsable du département jeunes du CDH a accepté de prendre la présidence et trois familles sont arrivées. » D’autres bénévoles suivent. Elle est aujourd’hui soutenue par trois vice-présidents ayant tous des prérogatives bien définies. Les postes de trésorier et de secrétaire sont doublés afin de limiter la charge de travail de chacun. Un renouveau qui engendre un nouveau dynamisme, exacerbé par des idées à foison...

Avis d’expert


Valoriser les bénévoles

Recruter, fidéliser, animer un réseau de bénévoles… L’enjeu est majeur pour les clubs comme pour les comités.

Frédéric MAUROUARD s’efforce, depuis qu’il a pris les rênes du comité du Tarn (21 ans d’existence), il y a deux ans et demi, de valoriser son équipe de volontaires. Ceux qui contribuent à la bonne marche de l’instance comme ceux qui viennent, plus ponctuellement, sur les animations. « Nous avons décidé d’installer le bureau, jusqu’ici un peu isolé, à la Maison des Comités, à Albi. Cela nous permet d’être au contact et de promouvoir nos actions. Mais aussi de participer aux manifestations des autres comités ou disciplines comme le Run Urbain ou le Triathlon. Le CDH 81 est représenté et peut donc sensibiliser de nouveaux bénévoles. Notre noyau dur en compte une dizaine et notre listing, une centaine dont beaucoup issus des clubs et des sections handisport. » D’où l’importance de créer une belle ambiance au sein des bénévoles. De favoriser des moments de convivialité pour renforcer leurs liens. « À travers des temps qui leurs sont dédiés, reprend Fred Maurouard, il faut leur apporter reconnaissance et bienveillance. »

Entretien avec Rudi VAN DEN ABBEELE

Fondateur du club handisport de Bourgoin-Jailleu en 1976, Rudi VAN DEN ABBEELE, le préside depuis trois ans. L’ancien nageur et athlète international handisport, nous explique sa méthode pour mobiliser des bénévoles.

Pourquoi ne devenir président que depuis trois ans ?
Le président bénévole, à 75 ans, a eu envie de prendre du recul tout en restant au club. Aujourd’hui, on demande aux dirigeants bénévoles de plus en plus de missions administratives. Un volontaire aime aider, mais il est plus difficile de trouver ceux qui doivent assumer des responsabilités proches de celles du monde de l’entreprise.

Il est donc plus compliqué, aujourd’hui, de mobiliser et de fidéliser des bénévoles ?
Pas forcément de fidéliser. Ceux qui étaient là il y a 40 ans, le sont toujours. Tout le monde ne peut pas, par exemple, transférer un adulte tétraplégique de son fauteuil de rugby à celui de son quotidien. Avec des disciplines qui se développent autour de personnes en situation de grand handicap, les bénévoles sont un peu plus spécialisés. Ils ont davantage un rôle d’accompagnateur. Certaines formes de bénévolat, dans le mouvement, demandent une vraie formation.

Les clubs multisports comme le vôtre ont-ils plus de facilités pour les attirer ?
Oui. Il est sans doute plus difficile de pérenniser un club monosport qu’un club multisports, où les différentes sections peuvent lancer diverses animations. Aujourd’hui, nos assemblées générales réunissent une centaine de personnes. Beaucoup de bénévoles et de sportifs aiment se retrouver pour partager un moment convivial.

Combien avez-vous de bénévoles cette année ?
On a entre 10 et 15 « permanents ». Ils sont une quarantaine à apporter ponctuellement un coup de main au club.

Les relations avec le comité départemental favorisent-elles leur recrutement ?
C’est un aspect dans lequel nous devons progresser. Mais cela est assez spécifique à notre club fondé par un groupe d’anciens sportifs amis. Bourgoin est situé dans l’Isère mais tout près de la Savoie, du Lyonnais et de la Drôme. Nous fonctionnons davantage en bassin de vie. À l’époque on avait créé une manifestation : « Formule H ». On utilisait la piste olympique de Grenoble de short-track pour organiser des épreuves, comme dans un « six jours », en fauteuil d’athlé (records de l’heure, course-poursuite…).
Ce grand rendez-vous, concocté avec le concours du Comité, attirait 3 à 4 000 spectateurs. On aimerait reproduire ce type d’événements en handbike.

Quelles sont les solutions, à l’échelle d’un club, pour renouveler le vivier de bénévoles ?
Il faut favoriser l’implication des licenciés. Les athlètes peuvent s’investir dans le club en sollicitant leur famille, leurs amis. Nous l’avons vécu pour l’athlétisme et le basket, nous le vivons, aujourd’hui, en rugby fauteuil. Il faut surfer sur cette dynamique pour favoriser les échanges via des moments conviviaux. Ainsi, des bénévoles venus au départ pour aider une discipline particulière aiment se trouver et aider également dans les autres sections.
Propos recueillis par J. SOYER


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Avec plus de 500 participants sur les Journées Nationales Handisport organisées à La Chapelle-sur-Erdre (44) en avril dernier, il était indispensable pour le comité régional handisport des Pays de la Loire de pouvoir compter sur son réseau de bénévoles.