Édito

Esprit Collectif

Gaël Rivière - Vice-Président de la Fédération Française Handisport

Dirigeant de la Fédération, avocat de métier et licencié au Bondy Cécifoot Club, Gaël Rivière est sportif de haut niveau nonvoyant de 30 ans, évoluant au sein de l’équipe de France de cécifoot, avec laquelle il a remporté l’argent aux Jeux de Londres 2012, ainsi qu’aux derniers Championnats d’Europe en Italie en 2019. Il est sélectionné pour les Jeux Paralympiques de Tokyo avec les Bleus. La présidente de la FFH, Guislaine Westelynck et la rédaction, ont souhaité lui confier la plume, pour ouvrir ce nouveau numéro d’Handisport Le Mag’ spécial “Sports collectifs”, à quelques jours des Jeux au Japon.


Chères amies, chers amis

Il est sans doute trop tôt pour prétendre dresser un bilan de ces derniers mois, et pour faire le débat parmi toutes les évolutions que nous avons connues. Entre les adaptations qui relèvent de l’anecdote et celles qui constituent des bouleversements plus fondamentaux, je ne crois pas manquer de prudence en affirmant, dès à présent, que notre mouvement aura fait la preuve au cours de cette pandémie et des restrictions qui l’ont accompagnée, des forces de sa singularité
C’est qu’un mouvement qui ne conçoit pas qu’une incapacité, aussi substantielle fusse-telle, puisse être absolue et qui s’obstine à consacrer l’individu capable en toutes circonstances, a quelques avantages lorsqu’il s’agit d’imaginer les moyens de faire malgré tout. Pour vous tous, qui savez si mal vous résigner à l’inaction ou à l’immobilisme en temps ordinaire, s’adapter aux contraintes de cette pandémie, c’était emprunter un chemin familier. À tous ces atouts,  qui relèvent  de l’identité même du mouvement handisport, il convient d’en ajouter un autre qui découle de sa structure et fait de notre Fédération une institution riche d’une diversité de compétences, d’expériences et de points de vue. À l’instar des sports collectifs, auquel ce numéro dédie fort opportunément quelques pages, notre mouvement ne peut s’analyser, tant dans ses échecs que dans ses réussites, qu’en prenant en compte sa dimension collective, laquelle implique tout à la fois la force de la multitude et la responsabilité de chacun.  En effet, dans ce type de sports, si pour atteindre les sommets les plus hauts le concours de quelques talents extraordinaires  est parfois nécessaire,  ceux-ci ne se suffisent jamais à eux-mêmes et ne peuvent jamais exonérer les autres de faire la part qui leur incombe. Aussi minime ou invisible fusset-elle, cette part n’en est ainsi pas moins toujours déterminante, à défaut d’être prédominante. Chacun étant nécessaire au succès de tous et personne n’étant suffisant ni à son propre succès ni à celui du collectif, les joies individuelles amplifient celles du groupe et les peines s’apaisent en se partageant. Nous souffrons des échecs et des blessures de nos coé-quipiers, comme nous cherchons nos bonheurs dans l’exploit de nos partenaires, qui s’avèrent être souvent des amis plus que de simples collègues de jeu.
Quoique mon parcours individuel désigne trop ma faveur envers les sports collectifs pour que je puisse aspirer à l’objectivité, je ne pré-tends nullement qu’ils aient sur les sports dits « individuels » une quelconque supériorité. Les premiers ont sans nul doute soulevé autant de foules que les seconds et les héros des 100 mètres valent bien ceux des coupes du Monde de football. Si une distinction doit être faite, celle-ci tient uniquement en ce  que les sports col-lectifs affirment ce que les sports individuels ne font que suggérer  : la performance, quel qu’elle soit, n’est jamais l’affaire d’une seule personne. Elle est toujours l’addition de plu-sieurs volontés, la conjonction de multiples soutiens. Au-delà du sport, les destins les plus héroïques de la mythologie n’enseignent pas autre chose. Il y a, à côté d’Achille triomphant, l’amitié de Patrocle et la dévotion d’une mère. 
Il y a, dissimulé sous la gloire d’Hercule, le bras secourable et la main protectrice d’Athéna. Le sport individuel n’est donc pas moins un sport d’équipe que ceux que l’on dénomme collec-tifs : nous voyons simplement mieux dans ces derniers que nous ne gagnons jamais seuls. À l’heure où une partie d’entre nous s’apprête, après bien des attentes et des frustrations, à aller cueillir à Tokyo le fruit de leurs efforts et de vos soutiens, je voudrais que l’on se sou-vienne, qu’en matière de sport, qu’il soit indi-viduel ou collectif, la gloire de quelques-uns est presque toujours la récompense de tous.

En savoir plus sur Gaël Rivière : www.bleushandisport.com/bleus/riviere-gael