Santé : les violences dans le sport

Violences verbales, physiques et psychologiques. Dans quelles mesures peut-on dire que le milieu sportif est un environnement favorisant certains comportements violents ? Comment peut-on repérer les victimes ? Quel rôle jouent l’institution sportive et l’encadrement ? Comment prévenir leur survenue ? Éclairage sur ce thème avec les experts Caroline Olejnik et le Dr Dominique Hornus.

De quoi parle-t-on ?

Les violences physiques laissent des traces sur le corps et/ou sur l’organisme. Il peut s’agir de coups mais également de négligence d’une blessure, de mépris d’un surentrainement évident, de dopage forcé.

Les violences verbales et psychologiques sont insidieuses et plus complexes à repérer. Pour parler de violence psychologique, il faut qu’il y ait répétition de faits ou de propos, souvent dans un contexte de dépendance affective et de relation de pouvoir. On parle alors de relation d’emprise. Elles ne sont pas ressenties par tous de la même façon, mais bien en fonction de l’histoire et des ressources de chacun.

Des faits « tolérés » et d’apparence anodins peuvent impacter de façon négative certaines personnes : injures et humiliations répétées, remarques sexistes, plaisanterie sur le genre…

Les violences sexuelles, regroupent d’un point de vue juridique, les viols et agressions sexuelles **. Ces actes sont effectués sans le consentement de la victime. La notion de consentement est complexe à évaluer notamment dans les relations d’emprise. Parmi les violences sexuelles, sont également retrouvés : le harcèlement sexuel, l’exhibitionnisme et le voyeurisme.

Le sport, un terrain favorable ?

Pour Philippe Liotard, anthropologue du sport, l’organisation sportive induit la volonté de produire des corps de plus en plus performants, même dans une perspective de loisir, avec des valeurs associées à la réussite et à l’exploit. Cette culture de la performance permettrait la survenue de comportements d’humiliation, d’injures. La défaite est synonyme de faiblesse et d’échec, elle est donc à éviter à n’importe quel prix. Concernant les violences à caractère sexuel, la proximité des corps (montrer un geste en manipulant l’athlète par exemple) serait un autre élément favorisant des glissements. Le milieu sportif expose le corps des athlètes et dévoile ce que nous ne montrons pas d’ordinaire. Il ne faut quand même pas tout confondre, de nombreux sportifs s’enlacent après une victoire et embrassent leur coach, ce sont des réactions de joie aussi fugaces qu’explosives qui ne représentent en rien une violence sexuelle. Le propre du harcèlement sexuel et des propos et gestes déplacés est d’être répétitif et insidieux.

Spécificité de la relation entraineur-athlète

L’objectif de cette relation est de maximiser le potentiel sportif de l’athlète. Les aspects affectifs en lien avec une relation de proximité et de disparition des barrières (coach, ami de la famille ou unique référent du sportif) peuvent être source de comportements inadaptés voire d’emprise. La relation d’emprise peut s’enclencher dès qu’il y a une interdépendance entre deux individus et que l’un des deux a une position dominante. Cette relation d’emprise avec le dominant et le dominé passe par le contrôle de l’autre via les émotions, la proximité physique et l’isolement. Le sportif est affectivement dépendant et s’isole, incapable de prendre une décision ni de vivre sans son « maître ». 
L’adolescence par ailleurs, est une phase charnière de sortie de l’enfance avec une recherche d’affection auprès d’autres personnes que ses parents, recherche d’un référent hors de la cellule familiale proche.
Le coach, par sa proximité et sa connaissance, peut devenir un objet de séduction pour l’adolescent(e) qui va chercher des moments d’intimité avec le désir de lui plaire et d’être unique. C’est à l’adulte de savoir se positionner et se rappeler le cadre de la relation : c’est un cadre d’entrainement sportif avec un rôle spécifique, celui d’entraineur. Par ailleurs les interactions sont asymétriques car les protagonistes ont des statuts différents. Cette asymétrie ne doit pas évoluer vers la domination de l’athlète mais vers une recherche de complémentarité dans le respect de ses choix et de ses limites.

"Une situation de handicap multiplie par 3 le risque de violence.”

Comment repérer un(e) athlète-victime ?

Les conséquences psychiques et physiques des violences peuvent être nombreuses : repli sur soi, isolement, scarifications, diminution de l’estime de soi, troubles du sommeil, troubles du comportement alimentaire, dépression, comportements suicidaires, syndrome de stress post traumatique... Tout changement de comportement doit interpeller.

Pourquoi les victimes se taisent-elles ?

Elles ne savent pas que ce n’est pas “normal”. Elles ont peur de la réaction de leurs parents et/ou de les décevoir, d’une sanction “sportive”, de ne pas être crues, d’être mises à l’écart, en particulier par les autres sportifs… Parfois, le traumatisme est tel qu’elles sont victimes d’amnésie traumatique (déni ou oubli dû au traumatisme). Elles se sentent coupables car la stratégie de l’agresseur est de faire croire à la victime que c’est elle qui l’a séduit et qu’elle est la seule responsable.

Comment favoriser la protection des sportifs ?

  • Former et informer sur l’intimité et son respect
  • Renforcer l’estime de soi pour faire face au harcèlement sexuel, verbal et physique
  • Apprendre à connaître les limites, ce qui est tolérable et ce qui ne l’est pas pour soi-même mais aussi en société. Savoir dire non est essentiel lorsqu’un mot, un geste dérape.
  • Travailler son rapport à la douleur physique et psychique. Dans le sport, on apprend à dépasser sa douleur physique et/ ou psychique. Le contrôle de la douleur a pour objectif la performance. Dès lors un agresseur peut imposer à un athlète tout ce qu’il veut, d’autant plus que son seuil de tolérance aux douleurs sera élevé. C’est ainsi que certaines victimes ne se rendent pas compte qu’elles subissent des violences. « Qu’est-ce que je peux tolérer ? jusqu’où puis-je aller physiquement et moralement ? pour quel objectif ? ».
  • Permettre et soutenir la parole par les proches qui doivent questionner et repérer tout changement de comportement. Les parents peuvent parfois être complices ou eux-mêmes porteurs de violences lorsqu’ils souhaitent fortement la réussite de leur enfant. On parle alors de syndrome de réussite par procuration (volonté extrême d’obtenir l’excellence dépassant largement l’ambition classique des parents pour leur enfant). Dans ce cadre, c’est l’entraineur qui doit exprimer certaines limites aux parents qui ne sont plus à l’écoute des besoins de leur enfant/adolescent sportif.

    Le milieu sportif est porteur de valeurs humaines fondamentales. L’activité sportive participe à l’équilibre physique et psychologique de tout individu. Cependant, l’exigence de performance, des relations sans regard extérieur et la proximité des corps sont des éléments qui peuvent favoriser des violences et dont il faut se prémunir. L’ensemble des acteurs de ce milieu ont un rôle à jouer dans le respect du corps et du psychisme pour que la pratique sportive reste source de plaisir, de défi et d’expériences collectives positives. // Merci à Caroline Olejnik et au Docteur Dominique Hornus

* Selon le rapport ministériel de Greg Décamp 2009, rapport du comité paralympique international et d’autres rapports ministériels récents

** Articles 222-22 et 222-27 à 222-30 du Code Pénal

Retrouvez cet article en intégralité sur handisport.org

Caroline Olejnik est psychologue clinicienne et institutionnelle et membre de la Commission médicale FFH.

Le docteur Dominique Hornus est médecin du sport, médecin fédéral de discipline escrime Handisport et fondatrice de “Solution RIPOSTE”.

En savoir plus

Comment prévenir les violences sexuelles dans le sport ?

Qui contacter ? Les signaux de détresse à repérer, comment briser le silence : www.sports.gouv.fr/IMG/pdf/pre_vention_violences_sport_plaquette.pdf

Victimes directes ou témoins comment agir ?

Les contacts clés pour vous accompagner : www.sports.gouv.fr/IMG/pdf/8_EthikSportive_Victimes.pdf

Comité d’éthique handisport

Victime ou témoin d’une agression verbale, physique ou électronique, de harcèlement moral ou sexuel, de menaces… Vous pouvez compléter le formulaire en ligne de signalement : www.handisport.org/signalement/ ou par téléphone au 0805 38 37 30 (n° gratuit, tous les jours de 8h à 21h) ou e-mail ethique@handisport.org

Colosse aux pieds d’argile

À l’occasion des Journées Nationales Handisport, la Fédération a officialisé sa collaboration avec l’association Colosse aux pieds d’argile. Celle-ci a pour missions la sensibilisation et la formation aux risques de violences sexuelles, de bizutage et de harcèlement en milieu sportif ainsi que l’accompagnement des victimes. colosse.fr