Tokyo 2020, encore plus forts en 2021 !

24 mars 2020. Le C.I.O. et le comité paralympique international (I.P.C.) annoncent le report des jeux 2020. Six jours plus tard, un nouveau rendez-vous est fixé pour les paralympiques, ils auront lieu finalement du 24 août au 5 septembre 2021. Déception pour certains, soulagement pour d’autres, la nouvelle repousse d’un an ce moment décisif dans la vie des sportifs et des staffs qui se préparaient pour Tokyo depuis plus de trois ans. Circuits de compétitions, sélections, performances, confinement, impacts psychologiques… Quelles sont les conséquences pour nos sportifs ?


© K.Bogetti-Smith

Le confinement marque un arrêt brutal dans le rythme de vie des sportifs. « Ils sont aujourd’hui sur du maintien, de l’entretien de leur capital forme, mais il faudra être prêt à la sortie du confinement à reprendre rapidement un rythme d’entraînement plus cohérent avec les exigences de la haute performance, puis le circuit de compétitions », précise Christian Février, Directeur Technique National de la Fédération.

« Le calendrier international va être bouleversé. Les fédérations internationales connaissent les nouvelles dates des jeux, elles vont remettre en place leur circuit de compétitions d’ici à 2021. Ce n’est pas exclu que des compétitions de références soient très vite reprogrammées. Il faudra être prêt. »

Encore plus fort en 2021

Après s’être préparés pour une échéance 2020, les sportifs ont désormais plusieurs mois supplémentaires pour davantage s’entraîner. Accompagnement des sportifs au quotidien avec leurs entraîneurs, rassemblements des équipes de France, planification accompagnée… Christian Février est ferme : « le processus mis en place cette année ne changera pas, mais se décalera ». Un processus décalé et prolongé donc, qui n’est pas une fatalité et permettra aux sportifs tricolores handisport d’être encore meilleurs en 2021. « Un point positif », pour le D.T.N. « Sur le plan collectif, l’équipe de cécifoot s’est reconstruite en très peu de temps. Elle est allée gagner sa qualification sur les championnats d’Europe. Elle s’est construite rapidement. Cela va lui donner le temps de mieux se préparer pour les jeux, pour monter en puissance. De même pour l’équipe de rugby fauteuil, qui est allée chercher sa qualification à Vancouver. Dans un an, avec tout l’accompagnement que l’on met en place avec l’agence nationale du sport, cette équipe sera forcément meilleure. Sur le plan sportif on est persuadé que c’est une chance pour être encore plus fort en 2021 pour tous nos sportifs ».


© F.Pervillé

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Au cas par cas

Le report entraîne également un profond bouleversement dans le parcours de vie des sportifs de haut-niveau. Pour ceux qui avaient prévu de mettre un terme à leur carrière à la fin des jeux 2020, les mois supplémentaires pourront peser psychologiquement. D’autres ont des emplois du temps aménagés avec leur carrière professionnelle, des parcours adaptés sur le plan scolaire ou encore des années blanches où les jeunes élites ont décidé de mettre leur année scolaire entre parenthèse à l’approche des Jeux. « Il faudra échanger avec les entreprises, les écoles. Ce n’est pas sans conséquences. Des discussions au cas par cas sont engagées avec nos sportifs et leur entourage », précise le D.T.N.

Des jeux qui s’enchaînent

Les jeux de Tokyo et de Paris ne seront qu’à trois années d’intervalle. Le calendrier international va être bouleversé. « On a toujours une année un peu “creuse” au lendemain des jeux ou à n+2. Elle est nécessaire au point de vue physique et psychologique. On est dans une année de relâche. Cette année n’aura peut-être pas lieu poussant les athlètes à penser 2024, sans année de transition. Psychologiquement, la pause sera certes plus courte, mais n’aura pas d’impact sur leur potentiel aux jeux en 2024 », conclut Christian Février.

// A.Guyon

Plus d’infos sur tokyo2020.org

Entretien avec Pierrick Giraudeau, directeur du pôle performance

Le pôle performance de la fédération française handisport a pour but de permettre aux équipes de France des 12 disciplines paralympiques d’été et 3 d’hiver de réaliser le meilleur classement possible. Il travaille sur différents axes : la détection de futurs talents, la consolidation des structures d’entraînements du P.A.S. et P.E.S. (voir les définitions en bas de page), le développement des compétences des cadres du P.A.S. et P.E.S., la structuration d’une unité autour de chaque sportif identifié du P.E.S. et la gestion des équipes de France pour les disciplines paralympiques.


© F.Pervillé

Comment accompagnez-vous les sportifs dans cette période de confinement ?
Depuis le tout début du confinement, la fédération, par le biais de la cellule performance et des équipes techniques disciplinaires est encore davantage à l’écoute et au service des sportifs. Au-delà des impacts attendus sur le plan énergétique et technique de l’arrêt d’une pratique intensive, il y a également une dimension psychologique et mentale que nous prenons en compte dans la gestion de cette période si exceptionnelle, pour les sportifs comme pour les cadres. Plusieurs canaux d’informations ont été définis pour partager, échanger et faciliter le travail d’identification des sportives et sportifs ayant des besoins renforcés d’accompagnements. Nous avons impulsé et soutenu une dynamique de contacts réguliers avec les sportifs : les headcoachs et les directeurs sportifs ont été invités à rester sur un format au moins hebdomadaire de contacts “formels” avec l’ensemble des sportifs. Nous avons insisté sur la nécessité d’avoir des temps d’échanges individuels au moins une fois par semaine, en plus des groupes WhatsApp qui existent dans chaque discipline, et des réunions qui s’organisent dans certains sports plutôt collectifs. Le directeur des équipes de France prend le relais, si besoin, pour une mise en réseau, en contact, entre des profils de sportifs qui ont laissé entrevoir des difficultés et des experts. Nous avons également relayé à nos sportifs une étude sur l’impact du confinement, proposée par l’Université de Toulon avec laquelle nous coopérons dans le cadre du projet “paraperf ”. Sur la base de leur consentement, on aura la possibilité d’identifier les freins, les difficultés auxquels ils se seront confrontés et proposer des réponses adaptées à chacun. D’autres études menées par l’Université de Nantes et l’I.N.S.E.P. ont également pu être partagées avec certains sportifs et/ou certains collectifs. Enfin, différents outils au service des sportifs de haut niveau (S.H.N.) ont été proposés, notamment des visioconférences à l’initiative du réseau grand I.N.S.E.P.

Quels seront les enjeux du déconfinement ?
En complément de l’accompagnement psychologique, il y a tout l’accompagnement stratégique qui s’est mis en place en anticipation du post-confinement. Les entraîneurs et headcoaches retravaillent la cohérence du puzzle sportif pour que les sportifs puissent arriver en pleine forme aux jeux paralympiques. Nous travaillons actuellement, comme toutes les fédérations, avec les services du ministère des sports, à anticiper au mieux la reprise des entraînements pour permettre à nos sportifs de retrouver, dès que possible, des conditions d’entraînement satisfaisantes. Je pense plus particulièrement à nos nageuses et nageurs mais aussi à tous nos sports de duels, d’opposition, nos sports collectifs. Le déconfinement sera en tout état de cause progressif et pourrait durer jusqu’à la fin de l’année et s’articuler autour de doctrines sanitaires et médicales. L’identification par le gouvernement de ces doctrines par discipline sportive devrait nous fixer les règles de reprise progressive d’activité par famille de sport. Les doctrines sanitaires plus spécifiquement sur les conditions d’ouverture des installations sportives (format de réouverture, vestiaires, ouverture des espaces et enceintes sportives, public ou non, etc..) seront importantes pour préparer le retour au terrain. Une fois les sportifs retournés à leurs entraînements quotidiens ou bi-quotidiens, avec un maximum de précautions pour leur santé, des questions plus fines se poseront comme, par exemple, l’impact du confinement sur la vie de groupe avec un contexte de contraintes nouvelles de distanciation sociale. Une fois de plus, la fédération et ses cadres auront à coeur d’accompagner la singularité de chacun de nos sportifs puisqu’il y aura autant de situations particulières que l’on a de sportifs. En effet, cette période de confinement aura été vécue de manière très différente selon la culture, l’éducation, le lieu de vie ou encore l’entourage de chacun.

Qu’en est-il des modalités de qualifications et du programme de compétition 2020-2021 ?
Il y a encore énormément d’incertitudes. Pour ce qui est des ajustements des règles de qualifications internationales aux jeux paralympiques de Tokyo, nous sommes toujours dans l’attente des mises à jour proposées par les fédérations internationales sur les règles et les dates de compétitions qui permettront de finaliser la ventilation des quotas paralympiques. Ces données constitueront un des points clés de la programmation de chacun des sportifs sur la saison à venir. On ne sait toujours pas sur la saison qui va venir quelles seront les compétitions reportées ou annulées, quelles seront les échéances clés, celles déterminantes dans le calendrier qui compteront pour les jeux. Si les incertitudes sont encore fortes pour une majorité de sportifs et staffs, elles le sont moins pour ceux qui avaient déjà “validé” leur billet pour Tokyo (3 nageurs, 6 athlètes, les équipes de France de cécifoot, de rugby-fauteuil et de boccia B.C.3). Ils vont pouvoir se projeter, avec du temps, sur cet objectif majeur que représente la quête du graal paralympique pour un sportif de notre mouvement !
// Propos recueillis par Angeline Guyon

REPÈRES

Deux parcours stratégiques

PAS : programme d’accession au sport de haut niveau
Concerne les comités, sportifs, cadres et structures investis dans l’accès au circuit compétitif, la détection et la formation du sportif. Cette phase doit être au coeur de la préoccupation des acteurs territoriaux du mouvement pour des performances élevées des équipes de France demain, à échéance 2024.

PES : programme d’excellence sportive
Concerne quant à lui les acteurs et structures en lien avec les sportifs membres d’un collectif France. Les acteurs nationaux sont davantage responsabilisés sur cette phase d’accompagnement des sportifs mais les acteurs territoriaux peuvent/doivent également y trouver une place de choix.


© G.Picout